mercredi 31 octobre 2012

CRITIQUE - LES CHRONIQUES DE MALORIE

Merci à Malorie, bloggueuse littéraire, pour sa critique de mon roman. Voici ce qu'elle écrit sur son blog (http://leschroniquesdemalorie.blogspot.fr/) :


"En ce moment, j'enchaîne les lectures formidables et inoubliables ! Ce roman de Jak Bazino n'échappe pas à la règle ; avec ce roman aussi passionnant qu'enrichissant j'ai passé de très belles heures de littérature et de voyage. 

L'auteur, grâce à ce roman d'aventure, nous entraîne en Birmanie et nous livre un portrait vif et collant à la réalité de ce pays. Il a parcouru cet état pendant plusieurs année (il y a vécu quatre ans) et a décidé de nous offrir un magnifique livre afin que nous puissions découvrir un pays ensorcelant. 

L'histoire se passe en 2007 en pleine Révolution de Safran. Éric Tamino, que l'on va suivre tout au long du roman se trouve, suite à un meurtre, lancé dans une aventure qui l'emportera sur les chemins de Birmanie, sur les traces de Maung Aung (qui est garde au palais royal en 1885), le dernier Aris, une secte ésotérique dont les membres furent persécutés. Nous vivrons à ces côtés une aventure hors du commun et inoubliable qui, nous offrira bien plus qu'un instant d'aventure...


Jak Bazino a décidé de nous faire découvrir la magnifique Birmanie (et son histoire) en écrivant une fiction plutôt qu'un ouvrage essayiste. Je pense qu'il souhaitait offrir aux lecteurs une connaissance tout en distrayant ces derniers ; pour les marquer encore plus. Et je peux vous assurez que c'est une réussite. 

On apprend beaucoup à travers cette lecture. Je ne connaissais que très peu la Birmanie (à vrai dire, de ce pays je n'avais que les images passées en boucle en 2007 lors de la Révolution de Safran). Mais avec ce roman d'aventure, j'ai découvert un pays d'une grande richesse à l'histoire parfois difficile (mais quel pays n'a pas connu, dans son histoire, de moments difficiles ou affreux)  qui offre énormément à qui se penche sur cette nation. 

C'est avec une magnifique plume et un style très prenant que l'auteur a voulu nous faire découvrir un pays, parfois trop laissé de côté, alors qu'il mérite amplement d'être connu et reconnu. L'écriture est soignée, le style très riche. Le rythme est soutenu ce qui permet au lecteur de ne pas avoir une seconde de répit et de vouloir toujours en savoir plus. 

L'auteur a, pour moi, réussi son pari : faire découvrir un pays avec un roman d'aventure de grande qualité, inoubliable et qui donne envie d'en savoir plus sur ce magnifique pays, son histoire, ses traditions, ses croyances. 

Je suis certaine, ami(e)s lecteurs/lectrices que vous aussi, une foi le livre en main, vous vous laisserez entraîner en Birmanie aux côtés d’Éric et, que vous ressortirez de cette lecture sous le charme.


Une fois de plus, je remercie du fond du cœur Janyce des éditions Mon petit éditeur qui m'a offert une lecture que je ne suis pas prête d'oublier. Un grand merci aussi à l'auteur, Jak Bazino. 
Si vous aussi vous souhaitez découvrir ce texte (et plein d'autres de grande qualité) je vous invite à découvrir le catalogue des Éditions Mon petit Éditeur."


vendredi 26 octobre 2012

LE YADAYA, L'OCCULTE ET LA POLITIQUE BIRMANE




Comme vous le savez, la trame de mon roman tourne autour de la quête de la Pierre Philosophale en Birmanie. Parmi les protagonistes se trouvent notamment un Général et un Colonel birmans, qui comptent tous deux utiliser les pouvoirs du Datlone (la pierre) pour accéder au pouvoir. Ce point peut paraître farfelu et peu crédible à certains lecteurs, il n’en demeure pas moins très proche de la réalité, tant il semble impossible de détacher les croyances ésotériques de la politique en Birmanie.

Dans un précédent article, j’abordais déjà cette question en parlant du mythe du Minlaung (roi messianique) et de son importance dans l’aura qui a entouré des leaders historiques tels que Bodawpaya, Alaungpaya, Saya San et, bien entendu et plus récemment, Aung San. Même l’awza (charisme) dont bénéficie sa fille, Aung San Suu Kyi, peut en grande partie être rattachée à ce système de croyances ésotérico-religieuses. Il suffit de se rappeler notamment ce que David Steinberg explique dans « Burma, the state of Myanmar » ou encore Gustaaf Houtman dans « Mental culture in Burmese crisis politics », à savoir que l’espace social et politique en Birmanie est divisé selon deux concepts opposés : l’ana (autorité) et l’awza (influence). Or, on retrouve naturellement ces concepts dans les préceptes du Bouddhisme Theravada qui, pour simplifier, fait de l’awza la qualité attribuée au bon monarque quand l’ana demeure la tare du tyran. Les deux sphères du religieux et du politique sont donc intrinsèquement liées en Birmanie.

A ce titre, les récents affrontements entre communautés bouddhistes et musulmanes dans l’Etat Arakan montrent que la Birmanie ne partage pas la vision française de la laïcité. Si le droit birman assure la liberté de culte pour l’ensemble des religions, tolérance qui s’étend à des groupes certes minoritaires mais qualifiés de sectaires dans plusieurs pays occidentaux, comme les témoins de Jéhovah par exemple, il n’en reste pas moins que la religion d’Etat demeure le Bouddhisme Theravada birman. Avec les croyances ésotériques qu’il a intégrées (culte des Nats, alchimie, cosmologie hindouiste, etc.), il imprègne la vie quotidienne de la société birmane et, par dérivation, sa vie politique.

Ainsi, le plus bel exemple de cette influence mystique sur la politique birmane reste la politique de dépréciation du Kyat (monnaie locale) ordonnée par Ne Win, dictateur socialiste qui dirigea le pays d’une main de fer de 1962 à 1988. Adepte de numérologie, Ne Win était persuadé que « 9 » était son chiffre porte-bonheur. Il fit ainsi remplacer tous les billets en circulation par d’autres dont la valeur était un multiple de 9 (45 Kyats, 90 Kyats, etc.). Cette décision arbitraire fit perdre une bonne partie de leurs économies aux Birmans, dès lors qu’en l’absence de système bancaire privé tous gardaient leur épargne en liquide « sous le matelas ». Le mécontentement fut tel que la simple arrestation d’étudiants suite à une rixe de bar, suffit à lancer en 1988 une révolte qui se propagea dans tout le pays et qui conduisit à la démission de Ne Win.

A ce titre, ce n’est pas non plus un hasard si l’opposition, en première ligne de laquelle apparut Aung San Suu Kyi en 1988, choisit le 8 août 1988 (8.8.88) pour lancer les manifestations appelant à l’instauration de la démocratie dans la dictature socialiste. Ce chiffre « 8 » devait placer le mouvement sous de bons auspices. Il faut rappeler notamment qu’en Chine le chiffre « 8 » est considéré comme étant de bon augure, une sorte de porte-bonheur, notamment parce que sa prononciation « ba » est proche de « fa » (prospérité). A ce propos, je rappelle d’ailleurs dans mon livre les rapprochements que l’on peut faire entre les numérologies chinoises et birmanes, de même que la popularité du Yi Ching parmi les techniques de prédictions utilisées au Myanmar.

Quoiqu’il en soit, et pour clore cette partie consacrée à la révolution de 1988, le résultat n’a pas été à la hauteur des attentes de l’opposition : les manifestations du 8.8.88 furent réprimées dans le sang et la démission de Ne Win a été immédiatement suivie de la prise du pouvoir par la junte militaire du SLORC (State Law and Order Restoration Council).

Cet épisode violent de l’histoire birmane n’est pas sans rappeler les révoltes paysannes anticoloniales menées par Saya San dans les années 1930, un moine bouddhiste défroqué, adepte d’ésotérisme, d’alchimie et de yadaya (occultisme). Il avait notamment assuré à ses partisans que la rune qu’il leur avait fait tatouer sur le corps les protègerait des balles, avant de les envoyer charger l’armée britannique avec des armes de fortunes. Là encore ce fut un massacre. Cet exemple est loin d’être un cas isolé. On l’oublie souvent mais, ainsi que je l’ai rappelé dans mon article traitant du mythe du Minlaung, Aung San lui-même s’adonnait à des pratiques ésotériques dans le but de faire converger des forces capables de le faire réussir dans ses entreprises politiques. Il inscrivit notamment son combat dans la lignée des traditions royales de Birmanie. Le groupe des Trente Camarades était l’équivalent des yeyiphe (Compagnies de Braves), les hommes de confiance dont s’entourèrent les rois birmans pour établir leur pouvoir et leurs nouvelles dynasties.

Le roi Tabinshwehti empêcha la désintégration du royaume grâce à l’aide de 28 soldats dévoués qui lui permirent d’accéder sur le trône. De même Alaungpaya s’appuya-t-il sur sa Compagnie D’or de 68 braves. Ainsi, en plus des habituels tatouages ou lehpwe (amulettes gravées de formules magiques ou de versets des Suttas) insérés sous la peau, Aung San et ses Trente Camarades pratiquèrent le thwe-thauk, rituel d’échange de sang typique de certaines sociétés secrètes ou ésotériques, symbolisant la création d’un lien indéfectible entre ceux qui le pratiquent. Une sorte de mandala, de cercle protecteur, scellant la création d’une communauté sacrée en quelque sorte. Ainsi, quand les Trente Camarades, le cœur de son armée, arrivèrent en Birmanie, ils avaient la réputation d’être invincibles et de porter des tatouages, des runes et des amulettes implantés dans leurs corps qui leur conféraient des pouvoirs surnaturels.

En plus d’être le fondateur de l’armée birmane, la Tatmadaw, Aung San créa aussi l’un des partis d’opposition au colonialisme. En octobre 1939 il unit son parti nationaliste, Dobama Asiayon (Nous les Birmans), à celui de Sinyatha Wunthanu. Cette nouvelle alliance fut appelée en anglais le « Freedom Block » (Le bloc pour la liberté). Pourtant, en Birman, le nom de Htwet Yat Gaing avait une tout autre signification : « Société du Chemin vers la Sortie ». Il s’agissait évidemment d’une référence au surnom des alchimistes ayant atteint l’illumination et l’immortalité, et qui ont donc trouvé un moyen de sortir du cycle des réincarnations. De plus, le terme gaing doit plutôt être traduit par « secte religieuse ésotérique » que par celui « de société ». Ce nom a été choisi en référence à la prédiction voulant qu’un weizza (alchimiste), Bo Bo Aung en l’occurrence (voir mon article), viendrait chasser les Anglais du pays pour permettre l’avènement du Minlaung, (roi messianique) qui rétablirait un royaume Bouddhiste unifié.

Aung San voulut ainsi encourager la croyance populaire qui voyait en lui le Minlaung. Cela est particulièrement visible dans la chanson glorifiant les Trente Camarades écrite en 1943 par Mya Daung Nyo. La même année, dans sa biographie, Aung San faisait remonter son ascendance à l’âge d’or du Royaume de Bagan, expliquant que sa famille était restée proche dynasties royales au long des siècles. Ses discours comportent également de nombreuses références au loka nibban, sorte de Nirvana terrestre que ses partisans et lui entendaient mettre en place en Birmanie après la libération.

Ainsi, des rumeurs sur l’apparition de Bo Bo Aung se propagèrent après le rassemblement du nouveau parti à la pagode Mahamuni de Mandalay. Cette rumeur signifiait que le weizza avait oint le héros national. Certains voyaient même en lui l’incarnation du prince Setkyamin, sauvé par Bo Bo Aung. Il ne fit jamais rien pour y mettre un terme, jouant sur le registre de l’ésotérisme et des croyances millénaristes pour asseoir sa popularité et accroître le nombre de ses partisans. Il est difficile de savoir s’il y croyait lui-même ou s’il s’agissait seulement d’un calcul politique. Enfin, les références au minlaung étaient présentes dans tous ses discours, notamment celui d’août 1945 dans lequel il compare son combat pour l’indépendance aux conquêtes passées, quand les grands rois Birmans avaient réunifié le royaume après des périodes de crise.

Son combat était bien plus qu’une simple résistance politique ou même militaire contre un envahisseur. Pour lui et pour la population birmane, il s’agissait d’une guerre sainte, sacrée, visant à rétablir la foi bouddhiste au sein d’un royaume uni et indépendant.

Ainsi, Aung San comme Ne Win liait la politique à des pratiques occultes. Et il ne s’agit pas là de cas à part. L’exemple le plus récent de cette relation entre politique et ésotérisme est celui du Général Than Shwe, qui dirigea le pays jusqu’en 2011 et qui était connu pour être amateur de yadaya (cabale), comme son prédécesseur Ne Win. Si ce dernier avait porté son dévolu sur le chiffre 9, Than Shwe lui préféra le nombre 11 pour imprimer sa marque sur le pays. Ainsi, ce n’est pas par hasard si 9002 (9+2 = 11) prisonniers furent libérés en septembre 2008 pour apaiser les pressions internationales. De même, les peines de prison de 65 ans (6+5 = 11) à l’encontre des prisonniers politiques furent courantes sous son joug. Ce choix du nombre 11 serait une référence aux « 11 feux » de la tradition bouddhiste : avarice, haine, illusion, naissance, vieillesse, mort, deuil, pleurs, souffrance, tristesse et désespoir. Ces 11 feux, dans un sens spirituel, sont alimentés par l’attachement terrestre.

Le Général voulait ainsi lutter contre le feu par le feu, en infligeant à ses ennemis les souffrances dont il voulait lui-même se protéger. Une autre de ses lubies l’a conduit à exiger des paysans de Pyay de ne cultiver que des tournesols, dont le nom birman, nay kyar, signifie « long séjour », en l’occurrence le sien au pouvoir. De même, l’ordre fut un jour donné de planter des Jatropha Curcas (Noix de Barbade) dans tout le pays, officiellement pour produire du biodiésel. En réalité, le nom birman de cette noix est kyet suu, une combinaison correspondant à Lundi-Mardi en astrologie birmane. Or, le nom de Suu Kyi (comme est parfois appelée Aung San Suu Kyi), signifie Mardi-Lundi. Le Général Than Shwe pensait ainsi annihiler les pouvoirs de l’opposante, par la simple juxtaposition des jours Lundi et Mardi en sens inverse.

De plus, en 2005, Than Shwe ordonna brusquement le déplacement du gouvernement et de l’administration vers Nay Pyi Daw, la nouvelle capitale qu’il avait faite construire secrètement dans la jungle. Signifiant « le siège du roi », Than Shwe entendait reproduire par-là la tradition des anciens rois qui créaient leur capitale à chaque changement de dynastie. Je rappelle, à ce titre, dans mon roman l’exemple de la cité de Mandalay, construite de toute pièce sur ordre du Roi Mindon, et protégée par les âmes des 50 personnes sacrifiées en étant enterrées vives sous les murailles du palais.

Than Shwe avait apparemment lui-aussi laissé les astres décider de la date du déménagement : le 6 novembre 2005 (11.6.5 = 11 / 6+5 = 11 / 11), à 6h36 du matin très précisément, tous les convois disséminés dans Yangon s’étaient mis en marche vers Nay Pyi Daw. Les fonctionnaires qu’ils emmenaient vers leur nouvelle affectation avaient reçu la veille, sans préavis, leurs ordres de mutation. Refus et démissions avaient été interdis. Tous eurent l’obligation d’aller s’installer dans la nouvelle cité royale inachevée, se trouvant sur l’ancien site du village de Kyeitpye, « le poulet qui s’enfuit » en birman, à proximité de la ville Pyinmana, dont le nom signifiait : « ne reste pas là même si tu es fainéant ! ». Nul doute qu’eux aussi auraient préféré prendre leurs jambes à leur cou.

Enfin, comme Ne Win l’avait fait avant lui à Yangon, Than Shwe tenta de « laver » son karma en ordonnant la construction d’une pagode à Nay Pyi Daw cette fois, censée lui apporter suffisamment de mérites pour faire table rase de son passé de dictateur. Cette réplique de la Shwedagon à un mètre près, fut baptisée Uppatasanti, ce qui signifie « Protection contre les malheurs », du nom d’un Sutta écrit  par un moine au 16ème siècle. Cette prière est récitée lors des crises, notamment des invasions extérieures. Elle a été achevée en 2009 et officiellement inaugurée en mars 2009, par le Président Than Shwe et sa famille qui ont conduit la cérémonie d’élévation du htidaw, l’ombrelle placée au sommet du stupa.

Il ne s’agit-là, bien entendu, que de quelques exemples connus et représentatifs de l’influence de l’ésotérisme et de l’occulte sur la vie politique birmane. Tout surprenant que celui puisse paraître à des Occidentaux, il faut savoir que ces croyances n’imprègnent pas seulement la politique, mais aussi l’ensemble de la vie quotidienne et sociale de la population birmane, conduisant à des comportements que l’on pourrait parfois qualifier d’extrêmes. Dans les années 1960 notamment, une clochette se décrocha du hti (ombrelle) de la pagode Shwedagon. Sur l’objet, on découvrit le mot Aung. Tout le monde pensa qu’il s’agissait du « fer tué » (transformé alchimiquement) de Bo Bo Aung. On plongea la clochette dans un grand bassin d’eau pour transmettre ses vertus magiques au liquide et des milliers de personnes firent la queue pour avoir la chance d’en boire une gorgée, soi-disant capable de prolonger leurs existences.

Par ailleurs, à un moindre niveau, il faut savoir que le signe astrologique (mahabote) d’un Birman (dépendant de son jour de naissance dans la semaine) détermine une bonne partie de son existence, notamment les jours qui lui seront fastes et ceux qui lui seront néfastes. Il est ainsi frappant de voir que certains Birmans préféreront ne pas aller travailler et rester chez eux lorsqu’ils pensent qu’une date leur sera néfaste, ou à l’inverse être capables de jouer toutes leurs économies lorsqu’un jour est censé leur être faste. Les offrandes aux nats, les amulettes (lehpwe), les mantras ou encore les exorcismes, sont autant d’exemples de pratiques ésotériques par lesquelles la population espère pouvoir maîtriser les forces occultes qui guident d’après eux leur vie quotidienne.

L’histoire d’U Laba, à laquelle je fais référence dans mon roman, illustre encore à un autre niveau, les comportements extrêmes auxquelles peuvent conduire ces croyances. Ainsi, d'après les rumeurs, un moine se mit à pratiquer la "magie noire" pour atteindre la vie éternelle dans les années 1960. Il s'agissait d'U Laba de Yangon. Dans sa folie ésotérique, il était persuadé qu'il lui fallait consommer de la chair humaine pour atteindre son but. Il assassina plusieurs personnes dans sa quête d'immortalité. Il finit par être arrêté et il mourut en prison avant que sa condamnation à mort ne soit mise à exécution. L’exemple du moine escroc que je cite dans mon roman – celui qui s’enduit d’une solution phosphorescente – est lui aussi véridique et illustre bien l’importance de ces systèmes de pensée hermétiques, ésotériques, magiques, occultes sur le fonctionnement de la société birmane.

En conclusion, ces illustrations permettent d’expliquer la course à corps perdu dans laquelle se lancent le Général Soe Ye Myint et le Colonel Khin Zaw Htut dans mon roman, pour obtenir la Pierre Philosophale, ainsi que la violence et la détermination dont ils font preuve dans leur quête de cet artéfact, grâce auquel ils comptent prendre le pouvoir. A ceux qui voudraient en savoir plus, je ne peux que conseiller de lire mon livre. Bonne lecture.

lundi 22 octobre 2012

LE SYMBOLISME - SUITE


Suite à plusieurs demandes, je reviens sur la dimension symbolique de mon roman, deuxième niveau de lecture qui permet la transmission d’information, de clins d’œil aux initiés, et une appropriation de l’histoire de manière plus immédiate. D'où le travail de Carl Gustav Jung sur les symboles dans sa recherche des archétypes en psychanalyse, rejoignant celui de Bettelheim sur les contes. Objets d’études pour la raison, ils sont aussi vecteurs de sens pour l’inconscient. D’où leur force et leur portée.
Voici donc quelques clés pour mieux appréhender mon livre. Je ne reviendrai pas sur l’explication des symboles alchimiques, bouddhistes, tantristes, que j’ai déjà développée dans mon ouvrage et qui, du fait qu’elle était explicite, a sauté aux yeux de tous les lecteurs. Je souhaite plutôt faire la lumière sur ce qui était caché dans la trame de mon ouvrage et qui a pu éluder votre sagacité.

Tout d’abord, il n’aura échappé à personne que mon roman comporte 33 chapitres et que c’est au cours de ce dernier que se déroule l’initiation au secret de la Pierre Philosophale. Ce n’est évidemment pas un hasard et je ne reviendrai pas sur les différents sens du chiffre 33 (vertèbres, devas au royaume de Tatgyamin, 33e degré maçonnique, mort de Jésus à 33 ans après avoir accompli 33 miracles, 33 ans de règne de David, ...), sur lesquels je me suis déjà étendu, mais qui renvoient tous au plus haut degré de connaissance et d’initiation, bref à l’Illumination.

Certains auront sans doute aussi remarqué que plusieurs de mes personnages portent des noms empruntés à Mozart et à son opéra maçonnique, « La flûte enchantée ». Dans cette œuvre musicale, le Prince Tamino (Eric), qui voyage en terre inconnue, est attaqué par un serpent (ouroboros) et s’évanouit. Revenant à lui, il se réveille et trouve le corps inanimé de l’animal. Arrive Papageno (Frank) qui se vante d’avoir tué le monstre. Papageno est un personnage pantagruélique, haut en couleur (son costume est celui d’un perroquet), bavard insatiable, aimant boire et manger, comme le Frank de mon roman. Je l’ai d’ailleurs associé au bœuf, avatar de Dyonisos (rôti de bœuf à l’ambassade, buffles dans les rizières au combat de boxe…). Trois dames (Aldo, Consule, Ambassadeur), les messagères de la Reine de la Nuit (Chopin), font taire Papageno : ce sont elles qui sont venues au secours du jeune prince. Elles remettent à ce dernier un portrait de Pamina (Sabai Pyu), fille de la nuit, comme l’indique les pierres de Lune que Sabai Pyu porte comme bijoux lors de sa première apparition. Pamina a été enlevée Sarastro (le Zawgyi), maître du royaume adverse, le royaume solaire de la sagesse des hommes.

Tamino tombe immédiatement amoureux et décide de délivrer Pamina car la Reine de la Nuit lui a promis que s’il la libérait il pourrait l’épouser. Dans sa quête, il est aidé par Papageno (Frank) et trois jeunes garçons (Ange Agostini, Mahtu Naw et Will Schlosser) qui les conduisent au palais de Sarastro (Zawgyi), où Pamina est tourmentée par un serviteur maure (Khin Zaw Htut) pour qu’elle l’épouse. J’ai aussi donné le nom de ce serviteur traitre à Paul Monostatos, dès lors qu’il sert Chopin, la Reine de la Nuit. Finalement, Tamino découvre en fait que Sarastro (le Zawgyi) n’est pas l’être maléfique dépeint par la Reine de la Nuit, mais qu’il règne sur le Temple de la Vérité. Il s’agit évidemment d’un résumé très grossier, qui passe notamment sur les épreuves sur lesquelles je reviendrai plus bas, mais qui montre le parallélisme que j’ai essayé de faire entre la trame de l’opéra et celle de mon roman.

« La flûte enchantée » n’est pas le seul renvoi à l’univers maçonnique. En effet, Naw Seng, le Kachin qui se fait assassiner, est aussi le parjure, le faux Frère qui rompt son serment. Il cherche la Pierre pour son profit personnel et en subit les conséquences. Il reproduit, avec Khin Zaw Htut, lui aussi alchimiste, et avec le moine-exorciste, le meurtre d’Hiram par trois compagnons, désireux de lui voler son secret. Tous les trois sont initiés et ont violé le secret à leur manière, tous les trois cherchent la Pierre pour eux-mêmes, et tous les trois finiront punis pour leur cupidité et leur trahison.

Par ailleurs, la description faite des temples des Aris s’inspire de la Loge maçonnique et de ses symboles. Sabai Pyu « retire le voile » des yeux d’Eric, lorsqu’elle allume sa lampe dans le temple de Bagan après qu’il soit entré par la petite porte (boyau), à laquelle il a frappé irrégulièrement… à coup de pierres polies maladroitement. Aurait-il eu un tablier qu’il se serait moins sali. Et ne bénéficiant pas du soutien d’un Frère pour guider ses pas, il trébuche constamment. De plus, ces temples souterrains rappellent le cabinet de réflexion dans lequel le futur Apprenti rédige son testament philosophique ; testament qui préfigure la mort symbolique du profane, sort qu’Eric a failli connaître au sens propre du terme. De même, la sortie se fait par une salle « humide », dans laquelle tous deux ont bu la tasse. Enfin, comme l’Apprenti au moment de son initiation, Sabai Pyu effectue à travers ses aventures trois voyages initiatiques (Bagan, Po Win Taung, Mont Bonkwan), la faisant passer par les quatre éléments alchimiques : la terre (Kyauk Gu Umin), l’eau (Irrawaddy), le feu (torture) et l’air (ascension du Mont Bonkwan). Initiation qui avait pris trois ans au moine Ari Mahtu Naw et qui ne prend que trois jours symboliques à Sabai Pyu.

A ce titre, le chiffre 3 n’occupe pas une telle importance dans mon roman par hasard. En plus de ces 3 voyages initiatiques, je parle de 3 montagnes dans mon livre. Les montagnes revêtent une signification sacrée dans toutes les cultures. Colonnes entre le Ciel et la Terre, entre les hommes et les dieux (Sinaï, Olympe, Meru, Fuji, etc.), elles sont l’axis mundi, le centre du monde. Il n’est donc pas surprenant que l’intrigue de mon livre tourne autour de 3 montagnes mythiques qui abritent en leur sommet le symbole de l’Illumination : Maung Aung sauve la Pierre en se réfugiant dans un monastère bouddhiste en haut de Mandalay Hill ; le Mont Meru abrite le royaume de Thagyamin, le saint patron des alchimistes ; et le Mont Bonkwan, associé à Tusita (Shangri La), est là où se trouve le Zawgyi. C’est aussi, en haut de cette montagne qu’Eric trouve ce qu’il était venu chercher au début de son aventure, ce que le temple de Delphes affichait sur son fronton : « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les dieux ». 3 montagnes, 3 symboles, pour 1 Illumination.

De même, Sabai Pyu expérimente trois relations sexuelles au cours du récit : avec Eric (le cœur), avec Khin Zaw Htut (le corps) et enfin avec le Zawgyi (l’esprit). Et seule la dernière lui procure la paix, lorsque les deux premières lui apportent de la souffrance. Il s’agit ici du symbole de l’Illumination, de la paix intérieure, qui ne peut être atteinte que lorsque l’on sublime ses instincts, lorsque l’on se détache de son corps et de ses désirs. Ces trois relations sont aussi à chaque fois une union des opposées, comme le veut la tradition alchimique : femme et homme bien entendu, mais aussi tour à tour savoir et ignorance (avec Eric), bonté et cruauté (avec Khin Zaw Htut), vieillesse et jeunesse (avec le Zawgyi). Cette opposition de deux principes contraires, de l’ombre et de la lumière, se retrouve également dans le duo Sabai Pyu / Khin Zaw Htut, « pyu » signifiant « blanc » en birman quand Khin Zaw Htut se trouve complexé à cause de la couleur sombre de sa peau.

Ainsi, Sabai Pyu est celle par qui vient la Lumière. Elle est Hermès Trismégiste, le fondateur mythique de l’alchimie et auteur de la fameuse Table d’Emeraude. C’est la raison pour laquelle, lorsqu’elle apparaît pour la première fois, Sabai Pyu est habillé d’une soie verte renvoyant des reflets à la manière de l’émeraude, pierre associée à Hermès. Elle porte également un pendentif en pierre de Lune, dès lors qu’Hermès emportait les âmes sur la Lune pour les purifier avant de les conduire aux Champs Elysées. Elle initiera ses compagnons aux secrets de l’alchimie dans une boite de nuit au décor spatial (véridique mais pas anodin), sorte de temple à la voûte étoilée, boite noire contenant tout l’Univers, le Cosmos, en présence des autres Dieux de l’alchimie grecque, en particulier Saturne (Cronos) associé au plomb en alchimie, et Jupiter (Zeus), le roi des Dieux.

D’ailleurs, spécialiste de l’Art Royal (alchimie), Sabai Pyu n’est pas la descendante du roi Mindon pour rien. Incarnation d’Hermès TRIsmégiste, divinité à laquelle était associé le sens de la voix chez les Grecs, elle est aussi TRIlingue. De même, Hermès est le voyageur aux pieds ailés, le messager des Dieux. Sabai Pyu, elle, possède une agence de voyages, elle pédale vite, elle tourbillonne dans l’Irrawaddy, elle court à Pakokku, elle voyage par le rêve ou effectue les trois voyages de l’initiation. Enfin, Hermès est celui qui tient en main un caducée (sceptre avec deux ailes et des serpents entrelacés), qui guérit des morsures de serpent. Sabai Pyu, elle, ne craint pas le Naga, dont elle caresse le front.

Continuons sur la voie chymique si vous le voulez bien. Ce n’est pas non plus par hasard que la Pierre Philosophale se trouve dans un temple souterrain, référence au fameux V.I.T.R.I.O.L des alchimistes : « Visita interiorem terrae rectificando invenies operae lapidem » qui peut se traduire par « Visite (cherche) l'Interieur de la Terre (la matière première dont nous sommes faits) et, en te Rectifiant (en effectuant un travail sur soi-même) tu Inventeras (tu trouveras) l'Occulte Pierre (la Pierre Philosophale). » Ce crédo alchimique constitue la morale de mon livre. Enfin, les rêves dont d'autres passages forts en symboles de mon roman. S’y retrouvent le conflit entre l’ombre et la lumière, le travail au noir et au blanc, le miroir et le labyrinthe, omniprésents dans les initiations, les animaux totems, etc. Ils rappellent les d’initiations shamaniques et les voyages des corps astraux, etc.

Voilà, j’espère que ces quelques explications vous permettront d’apprécier encore davantage mon ouvrage et vous donneront envie de le relire à l’aune de ces explications.